"L'Université nous aidera à définir la société de demain". François Biltgen tire le bilan de 10 années d'existence de l'Université du Luxembourg

Le Jeudi: Quel bilan tirez-vous de ces dix années?

François Biltgen: Les résultats dépassent les prévisions. Et pourtant, la presse annonçait la mort de l'institution quand je suis devenu ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en 2004... L'université a répondu pratiquement à l'ensemble de ses objectifs. C'est notamment une université de recherche. Ses deux centres interdisciplinaires (Security & Trust et Biomédecine) fonctionnent très bien. Le principe de mobilité des étudiants en deuxième cycle est un succès à 96%, et nos étudiants ramènent de l'étranger la quasi-totalité des crédits qu'ils y briguent. Le caractère international de l'institution est avéré. Et le taux de 36% des étudiants en master et doctorat remplit aussi les objectifs. La grande opposition qui existait au départ a presque entièrement disparu. Sur une période aussi courte que ces dix années, on peut parler de succès. Je salue d'ailleurs les efforts du recteur Tarrach, qui est un excellent ambassadeur.

Le Jeudi: Qu'est-ce qui reste à corriger?

François Biltgen:Dans la réforme à venir, nous allons aménager des organes de concertation et de consultation. Le conseil universitaire ne sera plus présidé par le recteur, mais par un président élu. Nous améliorerons aussi la légitimité démocratique des représentants des personnels (via le conseil universitaire) et des étudiants (via une délégation des étudiants élue). J'ai aussi le souci d'assurer le caractère véritablement international de l'institution. Il ne faut pas qu'un département soit sous influence française, un autre sous influence allemande. Notre vocation est de mélanger toutes les influences pour en tirer le meilleur, produire une vraie richesse. Ne confondons pas international et multinational.

Le Jeudi: Quelle est pour vous l'utilité de l'Université?

François Biltgen: Un moyen de préparer l'avenir d'un pays. Nos ressources ne sont plus dans notre sous-sol. L'Université doit aider le Luxembourg à se redéfinir, en partant de ses racines. L'Histoire est une base très importante pour comprendre d'où l'on vient et savoir où on va. Immigration, intégration, multilinguisme doivent être étudiés sérieusement pour définir le modèle de société de demain. L'Université, c'est aussi un cadre où peuvent se tenir des débats contradictoires de haut niveau... qui ne se font pas toujours dans la presse, désolé de le dire. Ce qui m'irrite et me conforte à la fois, c'est que j'ai beaucoup de remarques à propos de tel ou tel invité de l'Université, considéré comme trop engagé. Mais c'est justement l'essence du débat, de confronter des points de vue forts!

Le Jeudi: Dans le contexte actuel, l'Université n'est-elle pas un luxe? On parle de 1 milliard pour Belval.

François Biltgen: 565 millions, plus exactement. Simplement une question de choix et de priorités. Je préfère investir dans les têtes que dans la terre. Le choix de regrouper à Belval l'essentiel de nos trois campus, c'est une des plus belles réussites de ces dix années. Moi qui regrette qu'on n’ait pas encore réussi à créer une culture estudiantine, je pense qu’on y arrivera à partir de la rentrée 2014, quand la plupart des étudiants seront sur le nouveau campus. Aujourd'hui, l'Université n'est plus controversée, le site n'est plus controversé, la stratégie n'est plus controversée.

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